Les maladies cardiovasculaires ne sont plus l’apanage des hommes. En France, elles représentent aujourd’hui la première cause de mortalité féminine, avec une augmentation inquiétante des cas d’infarctus même chez les jeunes femmes. Cette réalité méconnue s’accompagne d’un phénomène tout aussi préoccupant : des symptômes souvent différents de ceux des hommes, retardant diagnostic et prise en charge.
Une menace sous-estimée pour la santé des femmes
Chaque jour en France, 400 personnes succombent à une maladie cardiovasculaire, dont plus de la moitié sont des femmes. Cette statistique alarmante se traduit par un constat : près d’une femme sur trois décède chaque année d’une pathologie cardiaque.
Contrairement aux idées reçues, les femmes ne bénéficient pas d’une protection naturelle absolue contre les problèmes cardiaques. Si les hormones féminines offrent une certaine protection jusqu’à la ménopause, l’évolution des modes de vie et l’exposition aux facteurs de risque ont considérablement réduit cet avantage.
Reconnaître l’infarctus au féminin : des signes trompeurs
La difficulté majeure réside dans l’identification des symptômes. Dans près d’un cas sur deux, l’infarctus chez la femme se manifeste de façon atypique, différente du tableau clinique masculin.
Des symptômes qui égarent le diagnostic
Alors que chez l’homme la douleur thoracique intense reste le signe d’alerte principal, seulement une femme sur deux présente ce symptôme lors d’un infarctus. Cette particularité retarde considérablement la prise en charge.
« Chez les femmes, il peut s’agir de douleurs gastriques, comparables à celles d’un ulcère », explique le Pr Claire Mounier-Vehier.
Les signes avant-coureurs chez les femmes peuvent inclure :
– Des troubles digestifs (difficulté à digérer, brûlures d’estomac)
– Des nausées ou vomissements
– Une fatigue inhabituelle à l’effort
– Une sensation d’oppression thoracique
Ces symptômes évoluent généralement de façon insidieuse avant l’infarctus, compliquant leur interprétation. Cette présentation atypique entraîne un retard moyen d’une heure dans l’appel aux services d’urgence par rapport aux hommes.
L’association Agir pour le Cœur des Femmes, fondée par le Pr Mounier, alerte : « Tous ces symptômes surviennent parfois aussi au repos, peuvent s’arrêter spontanément et revenir. Ne mettez pas ces signes de côté et pensez à l’infarctus du myocarde, surtout si vous avez des facteurs de risque : tabac, stress psycho-social, dépression, excès de cholestérol, hypertension, diabète, obésité ».
En résumé, tout symptôme anormal dans un contexte de facteurs de risque doit conduire à un bilan cardiovasculaire ou à un appel au 15.
Facteurs de risque : une convergence masculine-féminine
Les modes de vie des femmes ont considérablement évolué, les exposant aux mêmes facteurs de risque que les hommes, auxquels s’ajoutent des risques spécifiquement féminins.
Les risques liés au mode de vie
Plusieurs facteurs majeurs augmentent le risque d’infarctus chez les femmes :
– Le tabagisme, responsable de plus d’un infarctus sur deux avant 50 ans
– Le stress, particulièrement toxique pour le cœur féminin
– La sédentarité, avec moins d’un tiers des femmes pratiquant une activité physique régulière
– Une alimentation déséquilibrée
– Le diabète et l’hypercholestérolémie
– L’hypertension artérielle
Les risques hormonaux spécifiques
Les femmes font face à des facteurs de risque supplémentaires liés à leur physiologie :
Contraception : vigilance nécessaire
Les contraceptifs contenant des œstrogènes de synthèse augmentent le risque d’infarctus, particulièrement chez les fumeuses. Le Pr Mounier insiste : « Le médecin doit faire un point complet pour savoir s’il existe des antécédents de phlébite ou d’embolie pulmonaire dans la famille. C’est le B-A BA ».
À partir de 35 ans, une femme fumeuse devrait abandonner les œstrogènes de synthèse pour une contraception progestative. Après 40 ans, les contraceptifs œstro-progestatifs sont généralement déconseillés.
Ménopause : une période charnière
La ménopause constitue une période critique pour la santé cardiovasculaire des femmes. La chute des hormones naturelles s’accompagne souvent d’une prise de poids et d’une accumulation de graisses et de sucres dans le sang.
« À partir de la ménopause, les femmes ont tendance à prendre du poids. Elles accumulent plus de graisses et de sucres dans le sang, alors même que leurs artères deviennent plus épaisses et plus rigides ».
Un bilan cardiologique approfondi est recommandé à cette période, en concertation avec le gynécologue, pour évaluer l’opportunité d’un traitement hormonal substitutif (THS) qui peut, dans certains cas, limiter le stress et ses effets délétères sur le cœur.
Prévention : les clés d’une santé cardiaque au féminin
Face à ces risques, la prévention reste l’arme la plus efficace. L’hygiène de vie constitue le facteur protecteur numéro un contre les maladies cardiovasculaires chez les femmes.
Les recommandations essentielles incluent :
– Une alimentation équilibrée riche en fruits et légumes
– Éviter le grignotage qui favorise la prise de poids
– Une activité physique quotidienne, même modérée
– L’arrêt du tabac, sachant que trois cigarettes par jour doublent déjà le risque d’infarctus
– La gestion du stress
« Elles doivent manger sainement, sans oublier les fruits et les légumes. Eviter de grignoter car cela favorise la prise de poids. Se bouger, ce qui ne signifie par forcément d’aller dans une salle de sport, mais avoir une activité physique régulière tous les jours. Il faut en outre accompagner les femmes qui souhaitent arrêter de fumer et leur dire que 3 cigarettes par jour multiplie par 2 le risque d’infarctus, mais que toute cigarette en moins diminue les risques ! Et enfin gérer leur stress. Encore une fois, l’hygiène de vie est le facteur protecteur numéro 1 ! »