Les médecins s’interrogent depuis des années sur l’étrange explosion de cancers colorectaux chez les moins de 50 ans. Une nouvelle étude publiée en 2025 vient peut-être d’apporter une pièce majeure au puzzle : une simple bactérie intestinale, présente dès l’enfance, pourrait jouer un rôle déclencheur.
Une progression inquiétante chez les jeunes adultes
En France, plus de 47 500 cas de cancer colorectal ont été diagnostiqués en 2023. S’il reste une maladie de l’adulte, les courbes évoluent vite et mal chez les plus jeunes.
Aux États-Unis, l’incidence chez les moins de 50 ans a bondi de 50 % en 30 ans, une tendance jugée « silencieuse » mais alarmante par les chercheurs. Pourquoi tant de jeunes adultes, sans antécédents familiaux ni mode de vie à risque, développent-ils ce type de cancer ?
Une toxine bactérienne dans le viseur des chercheurs
C’est une étude récente, menée par une équipe internationale, qui a peut-être levé un coin du voile. Au centre des recherches : la colibactine, une toxine produite par certaines souches d’Escherichia coli, une bactérie pourtant très courante dans l’intestin humain.
Selon les scientifiques, la colibactine pourrait endommager l’ADN des cellules du côlon, posant les bases d’un cancer… plusieurs décennies plus tard.
Un mécanisme à effet retard
Ce qui frappe dans cette découverte, c’est le moment où tout commence. Les chercheurs ont identifié que ces dommages génétiques surviendraient avant l’âge de 10 ans, bien que le cancer n’apparaisse souvent qu’après 40 ans.
« Si une personne acquiert l’une de ces mutations pilotes avant l’âge de 10 ans (…) elle pourrait être en avance de plusieurs décennies sur le calendrier de développement du cancer colorectal, le développant à l’âge de 40 ans au lieu de 60 ans », explique Ludmil Alexandrov, l’un des auteurs principaux de l’étude.
Une empreinte génétique qui ne trompe pas
Autre révélation majeure : la colibactine laisse une signature génétique identifiable sur les cellules touchées. Cette empreinte moléculaire pourrait devenir un outil précieux pour repérer les personnes à risque plus tôt dans leur vie.
Des différences selon les régions du monde
L’étude souligne aussi des variations géographiques marquées. Dans certaines régions, les mutations liées à la colibactine sont bien plus fréquentes.
Ces écarts pourraient s’expliquer par le régime alimentaire, l’environnement, ou l’hygiène infantile, qui influencent directement la composition du microbiote intestinal.
Vers une prévention qui commence dès l’enfance
Cette avancée scientifique invite à repenser la prévention du cancer colorectal sous un angle inédit : celui de l’enfance. Désormais, les chercheurs envisagent que les premiers déclencheurs de la maladie pourraient survenir très tôt dans la vie, bien avant l’âge adulte. Dans cette perspective, agir sur le microbiote intestinal des plus jeunes – notamment à travers l’alimentation, l’usage de probiotiques ou une meilleure hygiène – devient une stratégie prometteuse pour enrayer la progression de la maladie chez les jeunes générations.
Dépister, encore et toujours
Un rappel essentiel en conclusion : 9 cancers du côlon sur 10 peuvent être guéris s’ils sont détectés tôt. Le dépistage, souvent négligé par les moins de 50 ans, pourrait bien devenir un réflexe salvateur… même chez les jeunes.