Le déni de grossesse représente un problème de santé publique occasionné par la morbidité maternelle, fœtale et néonatale, induite. Cette absence de signaux physiques consécutive à la grossesse entraîne un danger potentiel pour la mère et l’enfant. Malheureusement, il existe encore peu de données concernant les indices cliniques et les mécanismes neurocognitifs présents. Bien que deux types de déni de grossesse (partiel et total) aient été identifiés, ils ne sont pas associés à un quelconque trouble psychiatrique. La seule option consiste donc à évaluer l’état mental de la patiente. La plupart des refus de grossesse sont non psychotiques, la prise de conscience de l’état de grossesse suffit à rétablir la réalité.
Cependant, une grossesse non détectée sous contraceptif devient une grossesse à risque. C’est-à-dire qu’une fausse couche ou un accouchement prématuré n’est pas exclu. Conséquence d’autant plus préjudiciable si l’accouchement se produit à la maison sans assistance médicale. Il n’est pas rare qu’un bébé décède par manque de soins ou à la suite d’un traumatisme crânien. À notre époque, le déni de grossesse n’est pas inclus dans le Code pénal. C’est-à-dire qu’en cas d’abandon ou d’infanticide, c’est le juge qui va décider si le déni de grossesse constitue une circonstance atténuante.
Pourquoi le déni de grossesse est-il une grossesse invisible ?
C’est-à-dire qu’une femme apprend sa grossesse quelques jours, voire quelques instants avant d’accoucher sans avoir éprouvé aucun symptôme. De plus, les caractéristiques physiques sont absentes comme le ventre proéminent, les mouvements du fœtus, la prise de poids, les nausées, les ballonnements, et parfois l’aménorrhée.
Quels sont les types de déni de grossesse ?
Déni de grossesse partiel
Les femmes prennent conscience de leur grossesse au cours du 6e,7e ou 8e mois au cours d’une banale visite chez le médecin. Une étude allemande a révélé que ce déni de grossesse est plus fréquent qu’on ne le pense. À plus de 20 semaines de gestation, un taux de 0,21% représente une femme sur 475. En comparaison, la rupture utérine est de 1 sur 1500, et la maladie hémolytique rhésus concerne une patiente sur 1000. Une autre étude autrichienne est venue conforter ces résultats avec un taux de déni de grossesse qui avoisine 0,25%. Aux États-Unis la fréquence est de 0,19% et concerne une naissance sur 516. Une série d’études complémentaires réalisées en Autriche sur 27 femmes avec déni de grossesse indique que le refus de grossesse s’est résolu dans 9 cas entre 27 et 36 semaines. Pour sept autres patientes, il s’est terminé entre 21 et 26 semaines de gestation.
Déni de grossesse total
Les femmes apprennent leur grossesse à la maternité pendant l’acte d’accouchement. L’incidence du déni de grossesse qui se poursuit jusqu’à la délivrance est d’environ 1 sur 2500. Ce taux est similaire à celui de l’éclampsie. C’est-à-dire qu’il est trois fois supérieur aux naissances de triplés (1 cas sur 7225 naissances). Dans les travaux précédents concernant les 27 femmes autrichiennes, onze d’entre elles ont poursuivi leur déni de grossesse jusqu’à l’accouchement. Ce qui représente quand même 41 % des cas !
Quels sont les symptômes d’un déni de grossesse ?
Un déni de grossesse est souvent asymptomatique. La femme continue son existence normalement sans s’inquiéter d’éventuels symptômes attribués à des problèmes digestifs ou intestinaux. C’est d’ailleurs lors d’une consultation chez son médecin qu’elle va apprendre sa grossesse.
Quelles sont les causes possibles qui expliquent un déni de grossesse ?
Le refus de grossesse est souvent provoqué par des facteurs mentaux. Ceux-ci diffèrent selon les circonstances de la grossesse. À titre d’exemple, une adolescente enceinte qui veut cacher sa grossesse à ses parents va nier la situation pour fuir la réalité. En revanche, d’autres dénis de grossesse peuvent être liés à des causes diverses :
- Une stérilité prouvée
- Des grossesses rapprochées
- Grossesse extra-conjugale
- Grossesse suite à un viol
Plusieurs études ont prouvé qu’il n’y a pas un type de femme particulier plus susceptible de nier sa grossesse qu’une autre. La grossesse constitue une période de bouleversements physiques et émotionnels pendant laquelle les femmes prennent conscience de leur futur rôle de mère. En outre, cette période gestationnelle laisse le temps d’accepter sa grossesse, de s’attacher au fœtus et de se préparer le mieux possible à l’accouchement. Cette période représente d’ailleurs une épreuve angoissante pour certaines femmes. L’intensité des peurs et des doutes va déclencher un mécanisme de défense inadapté dans certains cas, le déni de grossesse. Cet engrenage délétère est si puissant que la femme n’a pas conscience de son état. Puisqu’elle n’accepte pas sa grossesse, elle sera incapable de s’attacher au fil des mois au fœtus, jusqu’au stade final de l’accouchement. Toute la phase de la préparation à l’accouchement sera ainsi négligée.
Caractéristiques des femmes avec déni de grossesse
En principe, ce sont des femmes jeunes, primipares, qui présentent des difficultés d’apprentissage avec un soutien familial ou social insuffisant. À cela s’ajoutent des actes de toxicomanie et/ou des troubles psychiatriques. Malgré ce tableau clinique, il n’existe pas de typologie exacte d’un déni de grossesse. En effet, la moitié des femmes qui présentent cette pathologie ont effectué des études et sont socialement entourées et insérées dans le monde du travail. Une majorité d’entre elles sont employées ou étudiantes. C’est-à-dire que seule une minorité présente des difficultés intellectuelles, des troubles de l’humeur, une atteinte psychiatrique ou une toxicomanie.
Stress et conflits familiaux
Il est possible que le stress externe et les conflits familiaux associés à la grossesse favorisent le déni de grossesse chez des femmes normales. Dans ce cas, il n’existe aucune caractéristique précise pour cette pathologie. À titre préventif, comme le risque est impossible à prévoir, les médecins sont incités à proposer des tests de grossesse plus tôt pour ce type de patientes qui sont en âge de procréer.
Déni de grossesse ou déni psychotique ?
À l’heure actuelle, le déni de grossesse est classé comme psychotique ou non psychotique. En clair, les personnes qui sont atteintes de déni psychotique sont souvent des malades mentaux chroniques. Ceux-ci sont identifiés comme schizophrènes ou bipolaires. Aussi, les patientes vont rester psychotiques pendant leur grossesse. Des cas aberrants montrent des femmes qui oscillent entre déni et reconnaissance de grossesse. En revanche, les femmes qui présentent un déni de grossesse et qui n’ont pas de pathologie psychotique renouent avec la réalité en apprenant leur état chez un médecin ou pendant l’accouchement.
Face à ces observations, une sous-classification a été créée. Le déni de grossesse est considéré comme non psychotique, omniprésent, persistant et affectif.
- Déni omniprésent (36 %) : l’existence de la grossesse et sa signification sont maintenues hors de la conscience.
- Déni affectif (52 %) : La femme est intellectuellement consciente de sa grossesse, mais refuse de se préparer physiquement et émotionnellement à la naissance.
- Déni persistant (11%) : La découverte de la grossesse intervient lors du 3e trimestre et la femme ne s’intéresse ni aux soins prénataux ni à l’avenir de l’enfant.
Des professionnels de santé souhaitent créer une nouvelle catégorie dans les classifications DSM et CIM. Cette démarche pourrait faciliter la sensibilisation et la recherche du personnel de santé à cette cause. Ainsi les praticiens seraient susceptibles d’orienter ces femmes vers une aide préventive psychologique ou psychiatrique. Il s’agit à présent de nuancer le déni de grossesse qui peut être caché ou refusé. En effet, une femme peut être consciente de sa grossesse tout en la dissimulant à son entourage. Ce qui est différent d’une négation complète de son état.
Est-ce qu’un déni de grossesse peut être identifié avec un test de grossesse ?
Ce sont généralement les symptômes classiques d’une grossesse (nausées, seins gonflés, prise de poids, etc.) qui poussent une femme à vérifier grâce un test de grossesse si elle est enceinte. En revanche, comme le déni de grossesse est asymptomatique, ce moyen de détection sera occulté de son choix. Dans l’hypothèse où un membre de l’entourage préconise un test de grossesse, il n’est pas exclu qu’il soit négatif. C’est en fonction du moment où est réalisé le test urinaire que le résultat peut être faussé. En début de grossesse, le taux d’hormone bêta HCG n’est pas encore suffisant pour être détecté dans l’urine. D’autre part, une mauvaise utilisation du test peut induire un résultat erroné. Il est donc primordial de bien lire le mode d’emploi avant toute utilisation.
Selon le psychologue évolutionniste Marco del Giudice, un fœtus peut ne pas produire un taux d’hormone HCG correct. Dans ce cas, le résultat négatif ne confirme pas la grossesse. De plus, une quantité élevée de HCG entraîne davantage de nausées et de symptômes. Cette faible production de HGC peut être une anomalie congénitale ou une anomalie génétique mineure. À l’heure actuelle, cette piste de déni de grossesse est encore à l’étude. Le mieux dans une suspicion de déni de grossesse est de proposer à la personne de faire une prise de sang. Le taux d’hormone bêta-HCG peut être détecté dans le sang 10 jours seulement après un rapport sexuel. Le résultat est fiable à 100% et permet de mieux appréhender tout déni de grossesse.
Peut-on faire un déni de grossesse avec un moyen de contraception ?
Aucune contraception n’offre un résultat fiable à 100%. De surcroît, une contraception par pilule peut être mal prise ou oubliée. Quant au stérilet (DIU), le risque pour une femme de tomber enceinte est de 0,8%. Pour un DIU hormonal au lévonorgestrel le taux chute à 0,2%. Les raisons de cet échec s’expliquent par un stérilet qui n’est pas en place, ou par un délai d’efficacité qui est dépassé (entre 3 et 5 ans pour un DIU hormonal). Malgré tout si une grossesse survient, les signes sont les mêmes que sans contraception. En principe, une femme sujette à des maux de ventre et/ou saignements consulte d’urgence son gynécologue. Dans un déni de grossesse, cette situation peut être dangereuse puisque le risque de fausse couche est plus élevé. Cette grossesse qui est considérée à risque par le corps médical, entraîne aussi de possibles accouchements prématurés. Ce type de grossesse doit ainsi faire l’objet d’un suivi médical intensif. Le déni de grossesse sans surveillance médicale devient alors dangereux pour la santé du bébé et sa mère. Quand le déni de grossesse correspond à une grossesse non désirée, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) peut être proposée à la patiente.
Que se passe-t-il après la révélation du déni de grossesse ?
C’est généralement chez le médecin que les femmes en déni de grossesse, apprennent la nouvelle. Cela se produit à six, sept ou même huit mois dans le cas d’un déni partiel. L’objet de la consultation est souvent lié à des problèmes digestifs ou intestinaux. Plus surprenant, c’est pendant l’accouchement que les femmes en déni total en prennent conscience. Bien qu’il soit logique de penser que les femmes concernées sont jeunes ou nullipares, la moitié des femmes en déni de grossesse ont déjà eu des enfants. Il va sans dire que cette pathologie survient dans toutes les classes sociales et tous les niveaux d’éducation. Comme le déni de grossesse n’est pas associé à un quelconque trouble psychiatrique, la seule solution consiste à évaluer l’état mental de la patiente pour établir un pronostic.
Y a-t-il un risque pour l’enfant ?
Dans la plupart des cas, les choses rentrent dans l’ordre quand la femme prend conscience de sa grossesse. C’est alors qu’une relation normale et saine va s’établir entre la mère et l’enfant. Cependant, une femme peut éprouver de la culpabilité et de l’angoisse du fait d’avoir négligé la santé de son bébé. Les conséquences sont plus importantes si la prise de conscience est tardive. Cette situation est traumatisante aussi bien pour la femme que pour l’enfant. En effet, certaines femmes sont confuses et incapables d’apporter les soins nécessaires au nouveau-né. Une déconnexion avec la réalité est possible même dans un déni non psychotique. C’est ainsi que le bébé peut décéder par manque de soins ou à la suite d’un traumatisme crânien, surtout si la femme accouche seule chez elle. De plus, le déni de grossesse n’est pas inclus dans le Code pénal. C’est-à-dire qu’en cas d’abandon ou d’infanticide, seul le juge décide si le déni de grossesse constitue une circonstance atténuante.
Le rôle des sages-femmes reste important après l’accouchement, car elles doivent mettre en place une contraception pour que ce problème ne se reproduise pas à l’avenir. De plus, si l’enfant est confié à l’adoption, la mère doit être accompagnée dans un travail du deuil.